jeudi 16 décembre 2010

"S'ILS CHIAIENT DE L'OR LEUR CUL NE LEUR APPARTIENDRAIT PLUS" Proverbe portugais


Avec l'hôpital et la prison, il y a la rue pour accueillir les "fragiles", les "inadaptés", les "révoltés", les "accidentés" que le système crée à la marge de sa logique de production.
Cette population qui subit ou choisit l'exclusion n'est pas assez malade (ou trop malade) pour être traitée par le système médical de plus en plus intéressé par des marchés "juteux", de plus en plus gestionnaire et de moins en mois asilaire. Elle n'est pas assez violente pour être réprimée, voire incarcérée par une prison toujours plus répressive et sans projet de réinsertion une fois la peine accomplie.
L'été, ces humains à la marge sont tolérés. Parasites (sur)vivant des déchets que notre société de sur-consommation rejette, elle sert de repoussoir à ceux qui ne veulent pas suivre le rythme éffréné qui leur est proposé, imposé: produire, consommer, produire... Mais, l'hivers, ils ont l'impudence de venir crever sous nos fenêtres, agrippés à l'air chaud d'une bouche d'aération. Le froid les fait sortir parfois de leur abris de fortune et ils sont accueillis dans nos services sociaux programmés pour tenter de les réinjecter dans le système, dans la norme. Avec condescendance, on les assiste; en juges, on les culpabilise, on les jauge à l'aune de nos seules valeurs morales et marchandes. Mais quand on tend l'oreille, quand on commence à les écouter, à recevoir véritablement leurs histoires singulières, quand ils commencent à donner la seule richesse qui leur reste, leur parole, la culpabilité qui les enchaînait à leurs destins d'exclusion relâche son étreinte mortelle. Mais il faudrait pour cela accepter la fragilité, l'aspect cyclique de leurs parcours. Les structures devraient être, dès lors, adaptées à ce travail au long cour. Mais pour cela il faut accepter d'investir dans la prévention, dans ce qui n'a pas de valeur marchande directe, dans le droit à la différence et l'inévitable de certaines errances... Le hors norme est ce qui vient délimiter le monde social normé. Il faut le respecter, le soutenir, sans souci de rentabilité à court terme. C'est cette générosité, cette acceptation de la différence, ou leur absence, qui donnent une idée du degré d'humanité que nous avons atteint.
S.D.F., clochards, marginaux, inadaptés, fragiles... Ils ne chient pas de l'or, mais une souffrance dont on ne sait que faire. Alors, on détourne le regard tant que cela est possible et la peur nous serre la gorge, nous pousse toujours plus au chacun pour soi. La solidarité doit être considérée comme une affaire d'état, comme la seule digue qui peut contenir la folie dévastatrice d'une cette implacable logique, celle de l'argent roi.

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